En 2010, Médiapart avait invité des écrivains à venir à La Roche-sur-Yon présenter des films les aidant à réfléchir et à travailler.
Cette année, la collaboration se développe entre le festival et le site d'information créé, il y a bientôt cinq ans, à l'initiative, notamment, d'Edsy Plenel. Dans son club, Médiapart a ouvert une édition participative dédiée au festival.
Dans le même temps, La
rédaction de Médiapart et le festival ont sélectionné ensemble
trois films dont le point commun est de concerner le Proche ou le
Moyen-Orient. Il ne s’agit pas seulement d’un choix d’occasion,
en rapport avec une actualité à laquelle Médiapart prête une
attention toute particulière. Il s’agit aussi d’un choix
esthétique : au présent ou au passé, à travers le documentaire ou
la fiction, depuis la France ou Israël, la manière singulière dont
il est question du Proche ou du Moyen-Orient dans ces films nous a
semblé pouvoir se prêter à des discussions mêlant les enjeux du
cinéma et ceux de la politique, les enjeux d’un festival et ceux
d’un journal d’information quotidienne.
Les trois films seront présentés à La Roche-sur-Yon par des rédacteurs de Médiapart. Ils circuleront ensuite, toujours accompagnés, dans plusieurs salles de l’ouest, à la fin de l’année 2012 et dans les premiers mois de 2013. Nous travaillerons ainsi à mieux les faire connaître et partager, à susciter l’intérêt de possibles distributeurs. Et nous essaierons de porter un regard neuf sur les rapports entre journalisme et cinéma. Journalisme et cinéma, la salle et l’Internet : ce partenariat, que nous espérons voir se développer encore à l’avenir, est l’occasion de donner au festival un prolongement, une dimension de plus.
Emmanuel Burdeau
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| France / Israël | 2012 | 1H22 |
| avec Adnan Abu Wadi, Maysa Abed Alhadi
| distribution : Les ASC | sortie prévue : 7novembre 2012 |
| soutenu par l'ACID et le GNCR |
| Festival de Berlin 2012 : Panorama |
La
puissance de Sharqiya procède de plusieurs inversions. Kamel est
Bédouin. il habite avec sa belle-sœur et son frère un village
non-autorisé dans le désert, au sud d’israël. a peine un village
: quelques frêles baraques en tôle meublées de bric et de broc,
d’objets trouvés, de récup’. Peu de chose, que les autorités
s’apprêtent pourtant à détruire. [...] C’est la première
inversion : filmer l’exil, l’expropriation, le travail aveugle
des pelleteuses, non pas en Palestine, mais bien en Israël. Deuxième
inversion : l’homme qui ne peut rien garder est préposé à garder
les autres. Kamel est vigile. Lui dont la vie est la précarité même
a en charge la sécurité d’une gare routière. La troisième
inversion est la plus frappante. Kamel a une idée : il ne la dit
pas, mais le spectateur en suit précisément le trajet à ses
gestes, ses regards. [...] Comment dire mieux l’aberration et
l’impuissance ? Ami Livne ne parle ici que d’israël. Ne
serait-ce pas aussi juste, pourtant, d’avancer qu’il ne parle que
de la Palestine ? Sharqiya
est un film calme, posé, d’autant plus terrible : un western du
désespoir contemporain.
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| distribution : Cocinor Distribution |
| FID Marseille 2012, grand prix de la compétition nationale |
Des
morceaux de vie font irruption dans le cadre, mi-carnet de voyage,
mi-souvenir de vacances. Et puis, non, rien d’anecdotique, La
nuit remue
parle de politique et de trajectoire. On traverse les continents et
les frontières, celles marquées sur les cartes, et celles,
invisibles, inscrites dans les corps. Traverser des cols de montagnes
enneigés, s’agripper sous les roues d’un camion, jouer au foot
dans un terrain vague, assister à un défilé de carnaval. Bijan
Anquetil donne à voir l’expérience d’Afghans rencontrés aux
alentours de Paris, en bordure d’un canal ou peut-être dans un
parc. Il donne à voir leur parole qui s’élabore, rapidement
auto-réflexive. L’un d’entre eux a filmé son périple, quelques
haltes au cours des milliers de kilomètres parcourus avec son
téléphone portable, depuis son pays d’origine. Il a documenté,
mis en abyme ce qu’on ne voit jamais, ce qu’en général les
migrants sont trop occupés à vivre. Cet Afghan, exilé, s’est mis
en scène, comme pour garder une trace. Anquetil, à son tour, le
filme, l’éclaire, lui et ses amis, dans la nuit, et aussitôt leur
récit prend vie, autour d’un feu ou au bout d’une torche.
Carine
Fouteau – Médiapart
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74 (la reconstitution
d'une lutte)
| Liban | 2012 | 1h35 |
| avec Nassim Arabi, Rita Hedrouche, Nizar Sleiman |
1974. Le Liban est en pleine ébullition intellectuelle, culturelle et politique. De mars à avril, durant 37 jours, une poignée d’étudiants de l’American University of Beirut occupent les locaux de l’université pour protester contre l’augmentation des frais de scolarité. 2011 : en pleine révolutions arabes, Rania et Raed Rafei décident de faire un pas en arrière et de réinterroger la situation présente à la lumière de cette période riche d’espoirs, prélude aussi à la guerre civile. Réactiver le passé ? L’évoquer ? Le reconstituer ? Question cruciale. Ici la méthode est décisive. D’abord se documenter méticuleusement. Puis lancer l’expérience, car autant qu’une relecture de ces événements passés, il s’agit de voir ici leurs résonnances actuelles. Ainsi les protagonistes d’hier sont incarnés par leurs homologues potentiels d’aujourd’hui, acteurs politiques engagés dans les luttes présentes. Qu’est-ce que la démocratie aujourd’hui, comment lutter ? Quelques indications, quelques accessoires emblématiques comme autant de signes (une image du Che, un mégaphone) et les voilà lancés dans cette expérience portée par l’improvisation, où une forme de théâtralité accentuée par le huis clos dialogue avec le cinéma. Et, dans cette dialectique du passé et du présent, les mémoires circulent autant que les paroles au présent, à l’instar des entretiens qui ponctuent le film, paroles d’hier et d’aujourd’hui indiscernablement mêlées.
Nicolas Feodoroff
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